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Carnet de route de Bolivie |
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La Bolivie « c’est le Tibet des Amériques ». Perché à 4000 mètres sur un haut plateau froid et désolé, l’altiplano bolivien est loin de l’idée qu’on se fait d’un paradis tropical… Et pourtant, c’est notre coup de cœur sud-américain ! Steppe herbeuse à perte de vue, montagnes dépassant les 6000 mètres, blancheur aveuglante des salars… La Bolivie se savoure à l’extrême.
La Paz, la capitale la plus haute du monde ! La ville est installée dans une gorge au pied de la Cordillère Royale. 400 mètres de dénivelé séparent les quartiers riches, blottis au fond, de la banlieue défavorisée d’El Alto (Le Haut). Les parois de la cuvette sont un dédale de ruelles commerçantes animées. Les marchés très colorés sont bien achalandés : jus de fruits frais, bon pain, fromage, charcuterie... Les stands sont tenus par des Chullos, indiennes de la ville qui portent toujours le costume traditionnel : grandes tresses, chapeau melon, châle coloré et plusieurs robes superposées qui leurs donnent une allure de culbuto. De l’époque coloniale il ne reste que peu de bâtiments intéressants, mais l’atmosphère tranquille de la ville fait que l’on s'y sent bien. Le dimanche, l’avenue principale est fermée aux voitures. L’atmosphère est familiale, un peu nostalgique. On y vient manger une glace et profiter du soleil. Les enfants jouent au cerf-volant, aux voitures à pédales, des clowns vendent des jouets et du savon à bulles. Nous nous reposons dans la capitale bolivienne quelques jours, le temps d’acheter bonnets chauds et provisions. Nous ne trouverons plus rien par la suite, le trajet que nous avons choisi s’écarte des grands axes routiers pour des zones reculées... à nous l’aventure ! Cap sur le volcan Sajama ! Notre premier objectif est le volcan Sajama qui culmine à 6542 mètres, tout près de la frontière chilienne. Aux mornes plaines d’altiplano succèdent des vallées de terre ocre sillonnées de canyons, des montagnes rouges aux formes baroques, des plaines d’herbes jaunes où paissent des lamas avec en ligne de mire le sommet enneigé du Sajama. Superbe !
Noël au parc national du Sajama En nous rapprochant du volcan, nous bifurquons pour une petite piste en terre en direction du village de Tomarapi. Dès lors nous faisons nos adieux au confortable bitume jusqu’à l’Argentine. La piste empruntée n’est sur aucune carte. Elle relie divers enclos à lamas situés à la base du volcan. Nous devons souvent pousser à cause du sable et le Chili nous envoie un vent glacial. La pente est raide…Après 30 kilomètres nous nous écroulons de fatigue dans une confortable auberge installée au milieu du parc national. Bien qu'isolée, elle accueille d’autres pensionnaires : des français, youpi ! Nous passons une sympathique soirée à discuter voyages avec Pschitt et sa bande qui ont loué une jeep pour parcourir l’ouest bolivien.
L’Ouest sauvage Après Sajama, cap vers le Sud Ouest où nous attendent au bout du chemin les déserts salés de Coipasa et d'Uyuni. Le vent qui nous harcèle depuis La Paz devrait désormais être avec nous. Notre super boussole Coleman et notre nouvelle carte entre les mains, nous sommes confiants pour affronter les pistes boliviennes. Dans le pire des cas, nous demanderons de l’aide...
Nous nous perdons dans le labyrinthe de pistes, toutes identiques, toutes zigzagantes et semblant ne mener nulle-part, toutes sableuses aussi. Jamais nous n’aurions imaginé rencontrer des dunes de sable à plus de 4000 m d’altitude ! Nous nous enfonçons sans arrêt, ne pouvant pédaler plusieurs kilomètres de suite sans nous arrêter pour pousser. Avec nos réserves en eau et en nourriture, Agriates pèse près de 80 kilos, difficile à manier dans ces conditions. Pas de pont sur les cours d’eau, nous devons passer les rivières à guet, les pieds dans l’eau gelée. Un vrai parcours du combattant ! A ce rythme, nous mettrons 4 jours pour effectuer les 150 km qui nous séparent de Sabaya, prochain village où nous pourrons nous ravitailler. Sur la route, nous ne trouvons aucun commerce pour compléter nos trop maigres provisions. Il nous faut nous rationner, régime Weight Watchers à moins de 1000 calories par jour. Menu type : gaufrettes au petit-déjeuner (100 cal), 100 grammes de pâtes au bouillon de poule au déjeuner (300 cal), sucette au chewing-gum au goûter (50 cal) et, grâce à la famille « Père-Noël », purée de petits pois au bœuf pour le dîner (450 cal). Notre ventre crie famine, c’est Kho Lanta sans les cameras ! Si physiquement la route est difficile, le moral est bon. On se plaint pour la forme, car on l’avoue : on prend un plaisir fou à être ici. Les paysages arides de steppe semi-désertique nous enchantent. Nous savourons le silence, loin des klaxons grecs, des karaokés vietnamiens et des rabatteurs de bus qui hurlent leurs destinations dans les rues de La Paz. Dans ces zones reculées, nos seuls compagnons sont les lamas. Très curieux, les oreilles dressées, ils accourent à notre arrivée, scrutent nos faits et gestes et nous suivent parfois un bout de chemin. Nos premiers tours de roue sur un salar Nous faisons halte à Sabaya pour nous ravitailler. Nos provisions se résument encore une fois à du riz, des pâtes et des gâteaux secs. Au grand dam de Seb, les étals des minuscules tiendas proposent toujours les mêmes produits... Après 10 mois en Asie, il ne supporte pas le riz bolivien farineux, à mille lieues du succulent riz thaï parfumé. Impossible de compter sur les pâtes qui sont pareilles : pâteuses... Quelques kilomètres de piste et nous atteignons le salar de Coipasa. C'est tout d'abord la déception ! De la boue sèche avec quelques traces de sel... Nous aurait-on menti ? Il nous faudra en fait encore une bonne vingtaine de kilomètres pour atteindre le « vrai » salar : une immense étendue blanche et plane recouverte d'une épaisse couche de sel. Nous plantons la tente sur une petite île et admirons le coucher de soleil qui se réfléchit sur cette « banquise ». Tout devient rouge vif ! Nous nous réveillons sous l’œil inquiet de deux vigognes sauvages et d'un ñandou (petite autruche), la journée commence bien ! Rouler sur le salar est jouissif. Après plusieurs jours de pistes sableuses à 8 km/h, nous filons à plus de 20 km/h sur cette patinoire géante. Enivrés par le paysage et sans repères évidents, nous faisons fausse route. Mesure d’angles à la boussole et autres calculs compliqués ne nous sont d’aucune utilité… 60 kilomètres de perdus ! Uyuni : « le salar de la peur »
Nous souhaitons atteindre l'Ile du pêcheur (Inca Huasi) pour y dormir. En milieu d'après-midi, un vent violent se lève. Pour une fois, nous l'avons dans le dos. Youpi ! Nous roulons à plus de 35 km/h sans forcer, profitant des avantages du tandem. Les kilomètres défilent. El salar, el paradisio de los cyclistas ! Deux heures avant le coucher du soleil, nous finissons par nous inquiéter : « Où est l'IIe du pécheur? C'est bizarre qu'on ne l'aperçoive pas ! » Nous daignons (enfin !) tourner la tête pour constater que nous l'avons dépassée... Nous bifurquons mais cette fois, nous avons le vent de face. De 35 km/h à 8 km/h, du paradis à l'enfer... Nous ne pourrons plus rejoindre l'Ile avant la nuit. Nous tentons alors un pari fou : rejoindre la côte que nous estimons à 60 km. Nous donnons toutes nos forces et faisons des pointes à plus de 40 km/h. Une zone couverte de multiples petits cratères nous ralentit cependant. Des courants d'eau froide souterraine jaillissent parfois à la surface provoquant des éruptions. Nous ne sommes pas rassurés car l'endroit pue l’œuf pourri (du soufre ?). Le soleil commence a disparaître et les températures chutent en dessous de zéro. Nos pieds trempés, transis par le froid, s'engourdissent sérieusement. Plus nous avançons, plus nous trouvons d'eau. Nous accélérons mais sommes stoppés net dans notre élan : de la boue !!!
A bout de forces nous plantons la tente. Une grosse rafale arrache une première fois les piquets. Notre toit, replanté à la va-vite laisse facilement le vent s’engouffrer. Dans le noir, nous ne voyons pas l'eau s'infiltrer et perdons une couverture. Nous sommes contraints de nous asseoir sur nos sacs arrière étanches et ô combien peu confortables. Nous enfilons nos pieds dans nos sacs avant... ils se réchauffent, ouf ! En attendant le soleil... Nous voici condamnés à attendre que le jour se lève, recroquevillés sans pouvoir bouger. Nous n'avons ni à manger, ni à boire, il fait froid. Habituellement, nous dormons habillés avec deux couvertures et un duvet supportant -10°C. Aujourd'hui, avec une couverture seulement pour deux... la nuit va être glaciale... L'attente est longue : 12 heures. A chacun sa technique pour faire passer le temps. Karine compte… jusqu'à plus de 3000 une fois. Seb opte pour le 300-attente-300 qui équivaut environ à 1/4 d'heure. C'est long, très long... Les deux dernières heures sont difficiles. Seb commence à avoir des frissons et n'arrive plus à se réchauffer les pieds dans son sac qui a pris l’eau. Karine les lui frictionne. A 7 heures du matin, les premières lueurs du jour arrivent enfin… Quand c'est fini... c'est pas fini !!!! Nous repartons vers le tandem en traînant la tente derrière nous, la déchirant au passage sur des pyramides de sel. L'eau est glacée, nous avons de nouveau les pieds gelés. Nous cherchons un coin sec… AAAAAHHH ! Il n'y en a plus. Le vent a poussé l'eau du salar de notre coté. Le sol est ramolli. Nous nous embourbons là où hier soir nous pédalions à vive allure : un gros coup au moral ! Nous mettons 1h30 supplémentaires à nous dégager de ce m...dier. Karine porte quatre sacs, Seb la devance avec le tandem puis revient l'aider... et ainsi de suite. 200 m par 200 m, nous finissons par regagner le salar dur. Nous n'avons même plus la force d'être contents. Dessalage obligé avant Uyuni !
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